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Comprendre pour entreprendre : Quelles nouvelles règles juridiques s’appliquent aux entreprises en difficulté ?
Julien Théron : En mars dernier, lors du premier confinement, plusieurs mesures ont été d’emblée mises en œuvre.
Le 27 mars, une ordonnance a allongé de cinq mois la période de conciliation amiable, qui était auparavant de quatre mois, prolongeables un mois sur demande. La période pendant laquelle un conciliateur, nommé par le tribunal, vient aider les entreprises en difficulté à négocier avec leurs créanciers pour tenter de trouver un accord (que ce soit par un rééchelonnement de leur dette et/ou des restructurations) peut ainsi aller jusqu’à 10 mois.
Cet allongement des délais s’est appliqué aussi aux conciliations antérieures à la crise ou en cours à ce moment-là. La mesure a ensuite été pérennisée par une autre ordonnance le 25 novembre. Elle est toujours en vigueur au printemps 2021.
Et pour les entreprises déjà confrontées au risque de liquidation judiciaire ?
La règle a changé pour elles aussi. En effet, lors de l’annonce du confinement Emmanuel Macron avait dit « qu’aucune entreprise ne serait confrontée au risque de faillite ». Sa déclaration a été consacrée dans l’ordonnance du 27 mars qui a empêché de prononcer un redressement ou une mise en liquidation judiciaire, de mars à août 2020. Il s’agit là d’une mesure particulièrement emblématique. Seule, l’entreprise elle-même, pouvait, dans ce contexte, solliciter sa mise en liquidation judiciaire.
Que pensez-vous de ces mesures en tant que juriste ?
On peut les comprendre dans le contexte d’un confinement qui ne serait qu’une parenthèse, et afin que les entreprises en difficulté puissent retrouver un souffle. Il faut souligner leur caractère inédit puisqu’il n’y avait jamais eu de précédent sur le sujet.
Ces mesures peuvent néanmoins avoir un effet pervers pour les sociétés qui connaissaient déjà des difficultés au début du confinement. Tout au long de l’année 2020, elles pourraient en effet avoir accumulé un lourd passif et des difficultés financières si importantes, qu’elles se retrouveraient finalement incapables de rembourser.
Les ordonnances ont-elles produit l’effet escompté d’évitement des faillites ?
Il est encore un peu tôt pour le dire car nous ne sommes pas sortis de la crise. A ce stade, nombre d’entreprises tiennent encore le coup notamment grâce aux Prêts Garantis par l’Etat (PGE) qu’elles ont contractés et, d’ailleurs, les chiffres de faillites n’ont pas bondi en 2020. Néanmoins, beaucoup sont pessimistes et estiment que ces mesures ne font que repousser les difficultés des entreprises les plus fragilisées, sauf si l’Etat décide finalement d’annuler au moins une partie des dettes. Quoi qu’il en soit, ces « Ordonnances Covid » sont temporaires, mais une directive européenne doit intervenir d’ici juin 2021.
A quoi cette directive européenne va-t-elle servir ?
Elle aura vocation à harmoniser les procédures pour toutes les grandes entreprises en difficulté. Dans ce cadre peut être que le gouvernement en profitera pour que certaines mesures expérimentées ces derniers mois soient pérennisées. A ce stade, cependant, rien n’est décidé.
Le code des entreprises en difficulté 2021, sous la direction de Corinne Saint-Alary Houin, professeur émérite à l’université Toulouse Capitole